Le documentaire Jeunesse en (re)transition trouver sa voie, diffusé sur France 2 le 29 octobre 2024, suit le vécu d'Emma, 20 ans, s'étant identifiée trans à l'adolescence. Soutenue par ses parents et les médecins, elle a fait une transition médicale (testostérone à partir de 15 ans, mammectomie à 16 ans). Après deux ans de bien-être, elle tombe ensuite dans une dépression, réalisant qu'elle regrette sa transition. |
Le documentaire débute en abordant l'un des effets irréversibles de la prise de testostérone : la voix qui devient plus grave. Emma explique : « dès le début du traitement hormonal, ma voix a rapidement changé ». Un autre effet irréversible est l'apparition de la barbe, qu'elle doit raser régulièrement.
De la non-conformité aux normes de genre à la médicalisation
Emma raconte son enfance à « jouer avec les garçons, jouer au foot, faire la course (...) ne pas aimer les vêtements de filles (...) on disait "tu es garçon manqué" ».
Elle pointe du doigt les injonctions de la société à être féminine : « on me disait "ne t'inquiète pas, à partir de l'adolescence tu vas être tu vas être une fille féminine". Je me disais que je n'avais pas envie de devenir comme cela, et que cela ne devrait pas être vu comme l'objectif par mes proches ».
À l'adolescence, Emma supporte de moins en moins de « vivre en tant que fille », et finit par annoncer à sa mère : « Je crois que je suis un garçon ».
Nous y sommes : au lieu de questionner les stéréotypes de genre comme l'on fait les féministes il y a quelques dizaines d'années, on questionne le genre quand celui-ci ne suit pas les stéréotypes qui y sont associés : « tu ne suis pas les attentes sociales liées aux femmes, tu n'es donc pas une femme ».
C'est ainsi que l'« accompagnement médical » d'Emma commence.
L'affirmation du genre (approche trans-affirmative)
La documentariste mentionne 18 centres de consultation transidentité pour mineurs en France, elle a pu porter sa caméra dans le service dirigé par le Pr F. Medjkane, qui suit 400 enfants (400 sont sur liste d'attente). L'orientation de cette consultation est «trans-affirmative» : si le jeune dit qu'il est trans, il l'est.
Pour information : ce sentiment durant l'adolescence est susceptible d'évoluer, comme le montrent des études récentes : (Rawee et al. 2024, Bachmann et al. 2024, Sapir, 2024). Mais l'approche trans-affirmative est fondée sur la croyance que la dysphorie de genre à l'adolescence ne disparaît jamais d'elle-même. |
La documentariste filme une consultation entre le Pr Medjkane et une jeune fille d'environ 13 ans, s'identifiant à un garçon depuis l'âge de 5 ans, ainsi que sa mère. L'échange est de nouveau axé sur les stéréotypes de genre : la jeune fille explique qu'elle n'a jamais voulu mettre de robes, qu'elle voulait rester avec les garçons.
Le Pr prend note, puis demande ce qu'ils peuvent faire pour aider.
La mère : « son but est de devenir un garçon, cela peut être amené par une prise d'hormones ».
Le Pr accède à la demande, parlant des effets physiques de la testostérone.
Fin de consultation.
Mon point de vue
Sur les rails
Les parents d'Emma expliquent l'accompagnement médical : après le premier rendez vous très long, des rendez vous brefs, « très techniques : "où est-ce que tu veux aller, est-ce que tu veux un traitement hormonal ? D'accord, on va faire ce qu'il faut pour avoir cela". (...) il y a un processus balisé (...) on a l'impression qu'on est sur des rails et qu'il y a une seule destination ».
Après un an, Emma commence à prendre de la testostérone (avec accord des parents). À ce stade, Emma, sûre d'elle-même et pressée d'avancer, est satisfaite.
Sa maman explique qu'« à aucun moment il n'y a eu de mise en doute ou simplement de se dire "peut-être que c'est autre chose, on va creuser", on est aspiré dans ce mouvement-là, on n'a pas l'impression qu'il y a un risque si important que ça ».
Affirmer ou se suicider ?
La documentariste évoque ensuite le communiqué de l'Académie de médecine (fev. 2022), publié après le début de la transition d'Emma : ce communiqué alerte sur les risques pour la santé des traitements, du risque de prescrire trop vite, risque de surestimation diagnostique.
Alors, pourquoi prescrire si vite ? La réponse est donnée par le Pr Medjkane :
« Parce que pour les adolescents que nous rencontrons qui témoignent un vécu trans identitaire il s'agit d'un besoin vital à ce moment-là de leur vie ». S'en suit un témoignage de 2 parents qui expliquent que leur enfant a fait plusieurs tentatives de suicide et que « Si on avait pris un autre chemin il ne serait plus là pour en parler ».
Mon point de vue
L'influence des réseaux sociaux
Emma hésite au moment de se lancer dans des interventions « qui changeront mon corps pour le reste de ma vie ». Mais elle se rassure en écoutant les influenceurs trans sur Internet, qui partagent leur expérience de transition, expliquant comment cela a changé leur vie (en bien).
Interviewé dans le documentaire, le psychiatre Bruno Falissard y décrit le « biais de confirmation » et l'effet bulle sur les réseaux sociaux :
« Nous avons spontanément tendance à privilégier des informations qui viennent de gens qui pensent comme nous. Cela a tendance à nous enfermer dans un fonctionnement cognitif qui tourne en vase clos, et ce n'est pas forcément bien. D'ailleurs, on le voit : il faut faire un effort aujourd'hui pour se confronter à des opinions différentes. Cela peut conduire à des biais, où l'on se dit : "Ah ben oui, je pensais un peu ça, je vais dans cette communauté qui pense comme moi." Effectivement, ils pensent comme moi, et cela auto-entretient ce que je pensais et cela devient autoréalisateur ».
Étape suivante : la mammectomie
La testostérone produit ses effets de masculinisation sur Emma, mais elle ressent de plus en plus le décalage de la poitrine sur un corps masculin, ce qui amplifie le rejet de ses seins : elle porte alors un binder, qui comprime sa poitrine, mais qui l'empêche de faire du sport. Ce qui l'emmène inéluctablement à la prochaine étape, décrit par sa mère : « puisqu'on est engagé dans un parcours vers la masculinité, on ne peut pas conserver la poitrine ».
La documentariste donne l'évolution du nombre de mammectomies en France, qui a considérablement augmenté :
Chez les mineurs, il est passé de 6 en 2016 à 69 en 2019, représentant une hausse de 91 % en trois ans.
Chez les 18-35 ans, il est passé de 427 en 2016 à 1 118 en 2019, soit une augmentation de 62 % sur la même période.
Pourquoi une majorité de jeunes filles ?
La documentariste souligne également la prépondérance des jeunes filles parmi les jeunes s'identifiant trans. L'anthropologue Samuel Veissière donne des éléments d'explications possibles.
Le temps des regrets
Suite à la mammectomie (effectuée à 16 ans), Emma va beaucoup mieux.
Mais à 18 ans, elle sombre dans une dépression, avec des idées suicidaires :
« j'accepte de me dire que peut-être cela allait trop loin (...) parce que je viens de détruire ma vie, j'ai l'impression d'être vraiment enfoncée dans tout ce qui ne va pas ».
Elle en parle au psychiatre qui a suivi sa transition, et voici ce qu'il lui répond :
Le chemin vers la détransition commence, difficile à assumer car, selon Emma : « Cela revient à dire qu'on a fait une erreur ou qu'on ne pense plus la même chose que ce qui nous a poussé à faire des choix en premier lieu ».
Mais des témoignages de détrans la rassurent sur ce qu'elle veut, notamment ceux du site Post Trans :
Emma part à la rencontre d'Ellie , co-fondatrice de Post-Trans, elle-même détransitionneuse.
Elles échangent des effets irréversibles de la testostérone, comme la voix : « Cela rajoute une barrière où tu n'as pas forcément toujours envie de t'exprimer, ou par exemple d'aller aux toilettes et de ne pas vouloir parler parce qu'on va t'entendre ». Ellie explique ensuite que : « C'est très tabou de parler d'aspects négatifs de la transition de manière générale parce que justement, il y a cette idée qu'il ne faut pas donner une mauvaise image à la transition ».
Elles discutent également des conséquences des stéréotypes sexistes qui peuvent amener des jeunes filles ne s'y conformant pas à douter d'être des femmes.
Je pense que ce qui aurait pu les aider, c'est un message du type : « Tu n'as rien à faire de spécial pour être une femme, tu es une femme même si tu ne te plis pas aux stéréotypes sexistes, tu ne peux pas choisir ton sexe mais tu peux choisir de ne pas te conformer aux attentes qui y sont associées (et que les féministes se sont battues pour cela) ». Des notions évidentes pour les femmes de plus de 40 ans.
Améliorer les pratiques, mais comment ?
La documentariste donne de nouveau la parole au Pr Medjkane, qui explique que certains de ses patients souhaitent détransitionner : « C'est bien de ces expériences-là qu'on va pouvoir améliorer nos pratiques actuelles ».
Des expériences donc.
Mon point de vue
Il me paraît important de souligner qu'il est aujourd'hui difficile de trouver un professionnel de santé ayant l'approche qu'Emma aurait probablement souhaitée : une psychothérapie exploratoire selon une position thérapeutique neutre, qui consiste à « explorer l’expérience du jeune et l'aider à faire des choix éclairés fondés sur une compréhension complète de tous les facteurs possibles contribuant à sa détresse et de tous les résultats possibles » (Kozlowska et al. 2024).
Une telle démarche, contrastant avec l’approche trans-affirmative, est considérée à tort comme une « thérapie de conversion ».
Que recommandera la HAS ?
En fin du documentaire, la documentariste mentionne le retour en arrière de pays pionniers comme la Suède et l'Angleterre par rapport à l'approche trans-affirmative (voir la page dédiée) : que décidera la France pour les plus de 16 ans, dans les futures recommandations de l'HAS en 2025 ?
Sans doute de continuer l'approche du Pr Medjakne, étant donné que le groupe de travail est ultra majoritairement composé de personnes et professionnels prônant l'affirmation de genre en 1re intention. L'HAS suivra donc sans doute les derniers « standards de soins » de la WPATH, une association dont les leaders ont activement supprimé la publication d'informations fondées sur des preuves concernant les interventions médicales pour la dysphorie de genre, car elles contrecarraient leur objectif de recommander les interventions médicales au plus grand nombre (en savoir plus : La WPATH a supprimé des preuves).
merci de redonner les faits argumentés de ce phénomène aberrant qui envoie nombre de jeunes filles ado dans une impasse.