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Détransition : analyse de l'étude Boskey et al. (2025)

Analyse critique de l’étude de Boskey et al. (2025) sur la détransition chez les adolescents qui s'identifient transgenres : A Retrospective Cohort Study of Transgender Adolescents' Gender-Affirming Hormone Discontinuation, Journal of Adolescent Health

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Cette étude rétrospective, menée au sein du Boston Children’s Hospital, a été présentée par Trajectoire Jeunes Trans (janv. 2025) comme une preuve que les cas de détransition sont extrêmement rares chez les jeunes qui s'identifient trans et qui ont initié une hormonothérapie. Cette étude rapporte que seuls 0,5 % des 1 050 jeunes inclus auraient arrêté les hormones car « ils se sont réidentifiés au genre correspondant à leur sexe de naissance »

Mais plusieurs limites méthodologiques importantes fragilisent cette conclusion. Trois biais majeurs doivent être relevés :


1. Exclusion des jeunes ayant arrêté avant six mois

L’étude exclut d’emblée les jeunes ayant pris des hormones pendant moins de six mois. Cela concerne environ 174 personnes sur les 1 224 ayant débuté un traitement, soit plus de 14 % de la cohorte initiale. Ces exclusions éliminent mécaniquement les arrêts précoces, qui pourraient refléter des hésitations, des effets indésirables ou une remise en question rapide du parcours de transition. Le taux de détransition rapporté ne concerne donc que les jeunes ayant déjà persévéré au moins six mois dans le traitement hormonal, ce qui introduit un biais de sélection favorable à la poursuite du traitement (et donc à la persistance de l'identité trans).


2. Perte de suivi pour 20 % de la cohorte

Parmi les 1 050 jeunes inclus dans l’analyse principale, 210 ont été classés comme « perdus de vue » au moment de l’extraction des données. Ces jeunes, qui étaient encore sous traitement à leur dernier contact, n’avaient pas donné de nouvelles depuis plus de douze mois et n’avaient pas non plus indiqué avoir changé de prestataire. On ignore s’ils ont poursuivi, arrêté ou interrompu leur traitement. Leur statut exact est inconnu, et certains pourraient avoir interrompu les hormones ou détransitionné en dehors du cadre clinique. Leur exclusion du décompte affaiblit la fiabilité du chiffre avancé. Les auteurs reconnaissent qu’ils ne peuvent pas savoir si les jeunes perdus de vue ont arrêté les hormones ou changé d’identité de genre, car ces informations peuvent ne pas avoir été communiquées ou enregistrées dans les dossiers médicaux.

  • Comme le souligne Sing et Chun (2011) : « Si trop de participants à une étude abandonnent ou ne peuvent pas être contactés, la validité interne de l'étude est menacée (c'est-à-dire que les résultats observés peuvent ne pas représenter la vérité de la population étudiée) ».

  • Selon Dettori (2011) : « Certains ont suggéré qu'une perte < 5 % entraîne peu de biais, tandis qu'une perte > 20 % constitue une menace sérieuse pour la validité. Cela peut être une bonne règle empirique, mais gardez à l’esprit que même de petites proportions de patients perdus de vue peuvent entraîner des biais importants ».


3. Définition étroite et documentation partielle de la détransition

Le chiffre de 0,5 % correspond à cinq cas de jeunes ayant clairement indiqué, dans leur dossier médical, être revenus au genre associé à leur sexe de naissance. Si un jeune a changé d’identité sans le dire à l’équipe médicale, ou si cela n’a pas été noté dans son dossier, il n’est tout simplement pas compté. Autrement dit, ce chiffre ne reflète que les cas visibles et bien documentés. Il ne tient pas compte des parcours qui ont pu se dérouler hors du cadre médical. Par ailleurs, les raisons pour lesquelles certains ont arrêté les hormones sont basées sur des notes dans le dossier, sans entretien ni méthode claire, ce qui rend l’analyse incomplète.


Cette étude est-elle fiable pour estimer le taux et les raisons de détransition ?

Dans son article sur le taux de détransition, Cohn (2023) rappelle que ce qui manque pour connaître le taux de détransition, c’est un suivi long terme de grands groupes de personnes trans au fil du temps, de profils similaires au profil actuel des jeunes s’identifiant trans, avec un instrument de mesure du regret approprié et une petite perte de suivi.

L’étude de Boskey et al. ne répond pas à tous ces critères : elle exclut les jeunes ayant arrêté les hormones avant six mois, ne prend en compte que les cas de détransition documentés dans les dossiers médicaux, et perd de vue un cinquième de la cohorte. Comme beaucoup d’études antérieures, elle fournit des données partielles, limitées à un contexte clinique précis, sans pouvoir refléter l’ensemble des trajectoires ni estimer la fréquence réelle des détransitions.


Est-ce que Trajectoire Jeunes Trans rapporte correctement cette étude ?

Le texte publié par Trajectoire Jeunes Trans le 22 janvier 2025 rapporte correctement plusieurs chiffres clés issus de l’étude, notamment les proportions de jeunes poursuivant ou arrêtant le traitement, et les motifs les plus fréquents d’interruption. La présentation du cadre clinique, de la durée de suivi et des conclusions générales est globalement conforme à l’article original.


Cependant, plusieurs biais importants ne sont pas mentionnés. Le texte omet notamment :

  • l’exclusion des jeunes ayant interrompu le traitement hormonal avant six mois,

  • les 20 % de participants perdus de vue,

  • la définition étroite et conditionnelle de la détransition,

  • l’absence de suivi actif ou d’entretien systématique pour ceux ayant quitté le traitement.


De plus, le chiffre de 0,5 % est présenté comme représentatif d’un phénomène général, alors qu’il ne concerne qu’un sous-ensemble spécifique. La conclusion affirmant que ces résultats réfutent les arguments restrictifs en matière de soins médicaux repose sur une interprétation qui va au-delà des données réellement disponibles.


Leur synthèse donne une image scientifiquement incomplète de la portée de cette étude. Une présentation rigoureuse devrait intégrer ces incertitudes et rappeler que le chiffre de 0,5 % correspond à un minimum observé dans une population sélectionnée, et non à un taux généralisable à l’ensemble des jeunes qui s'identifient trans et démarrent une transition médicale.

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