Les enfants/ados peuvent-ils consentir aux bloqueurs de puberté et hormones croisées ?
Cette question a été étudiée par la Haute Cour de Londres dans le procès en Angleterre mené par Keira Bell, détransitionneuse, contre la clinique Tavistock (en savoir plus : extraits de l’arrêt de la Haute Cour de Justice, déc. 2020, en français).
À partir du constat que l’immense majorité des jeunes sous bloqueurs de puberté poursuivent par les hormones sexuelles croisées, la Haute Cour a suggéré que les enfants/jeunes devraient comprendre les conséquences d'un parcours de transition complet afin de consentir au traitement par des bloqueurs de puberté.
Elle a donc considéré que les informations que l'enfant aurait besoin de comprendre sont :
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« les conséquences immédiates du traitement en termes physiques et psychologiques ;
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le fait que la grande majorité des patients prenant des bloqueurs de puberté passent ensuite aux hormones de l'autre sexe et donc qu'il/elle est sur la voie de traitements médicaux beaucoup plus importants ;
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la relation entre la prise d'hormones de l'autre sexe et la chirurgie ultérieure, avec les implications d'une telle chirurgie ;
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le fait que les hormones de l'autre sexe peuvent entraîner une perte de fertilité ;
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l'impact des hormones de l'autre sexe sur la fonction sexuelle ;
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les conséquences de cette étape sur les relations futures et tout au long de la vie ;
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les conséquences physiques inconnues de la prise de bloqueurs de puberté ; et
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le fait que la base de preuves pour ce traitement est encore très incertaine. »
La Haute Cour a estimé qu'il est « hautement improbable qu’un enfant de 13 ans ou moins puisse consentir au traitement », et il est « douteux qu’un enfant de 14 ou 15 ans puisse en comprendre les conséquences ».

Qu'en pensent des membres de la WPATH ?
La WPATH est l'association mondiale de professionnels pour la santé des personnes transgenres, visant à promouvoir les interventions médicales de modification des caractères sexuels : en septembre 2022, elle a publié la 8e version de ses « normes de soins », qui sont suivies par la plupart des services de genre en France. La WPATH recommande l'utilisation de bloqueurs de puberté et d'hormones sexuelles croisées sans mention d'une limite d'âge.
Des praticiens membres de la WPATH se sont exprimés sur ce sujet lors du Workshop : évolution de l'identité, 6 mai 2022, organisé par la WPATH. Une partie de ce Workshop a été retranscrite dans le rapport The WPATH Files, 4 mars 2024.
Ci-dessous des extraits :
Pédiatre endocrinologue à l'Hôpital pour enfants de la Colombie-Britannique à Vancouver, membre de la WPATH
« C'est toujours bien en théorie de parler de préservation de la fertilité avec un adolescent de 14 ans, mais je sais que je parle à un mur. Et la même chose se produirait pour un enfant cisgenre, n'est-ce pas ? Ils diraient “Beurk, les enfants, les bébés, c'est dégoûtant”.
Vous savez je pense maintenant que j’assure le suivi de beaucoup d'adolescents jusqu'à leur milieu de la vingtaine, je suis toujours comme, “Oh, le chien ne vous convient pas, non ?” ils disent “Non, je viens de trouver ce merveilleux partenaire et maintenant nous voulons des enfants” (...), je ne sais toujours pas quoi faire pour les adolescents de 14 ans. Les parents y pensent, mais les adolescents de 14 ans, vous savez... C'est comme parler de complications du diabète avec un adolescent de 14 ans. Ils s'en fichent. Ils ne vont pas mourir. (...) »
(source : clip 9, p. 193 du rapport The WPATH Files, 4 mars 2024)
Une séquence vidéo (2 min) de ce WorkShop est diffusée par The WPATH Files, et sous-titrée en français par WDI Québec.
Qu'en pense le Cass Review ?
Le Cass Review est un examen indépendant des services de genre pour mineurs en Angleterre, coordonné par la pédiatre Dr Cass, d'où le nom. Il vise à formuler des recommandations sur la manière d'améliorer les services d'identité de genre pour mineurs (GIDS). Le 10 avril 2024, le Dr Cass a soumis le rapport final de cet examen au NHS.
« le consentement (...) exige des cliniciens de s'assurer que l'intervention proposée est cliniquement indiquée. Il exige également que le patient reçoive des informations appropriées et suffisantes sur les risques, les avantages et les résultats attendus du traitement. (point 97)
Évaluer si un parcours hormonal est indiqué est un défi. (97)
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Un diagnostic formel de dysphorie de genre est fréquemment cité comme un préalable à l'accès au traitement hormonal. Cependant, il n'est pas fiable pour prédire si ce jeune aura une incongruence de genre durable à l'avenir, ou si l'intervention médicale sera la meilleure option pour lui. En fonction de ce qui a causé sa détresse ou sa dysphorie, celle-ci peut être résolue par un traitement médical, mais elle peut aussi être résolue par d'autres manières (16.8) La maturation d'une personne se poursuit jusqu'à la mi-vingtaine et pendant cette période, l'identité de genre peut continuer à évoluer (16.10). Pour ces raisons, de nombreux cliniciens consultés par la revue, tant au niveau national qu'international, ont déclaré qu'ils ne peuvent pas prédire de manière fiable quels enfants/jeunes réussiront leur transition et lesquels pourraient regretter ou faire marche arrière à une date ultérieure. (16.11)
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De plus, la faible base de preuves rend difficile la communication d'informations adéquates sur lesquelles un jeune et sa famille peuvent prendre une décision éclairée. (99)
Les décisions dans l'intérêt supérieur sont particulièrement difficiles lorsque le traitement proposé a un impact important, est difficilement réversible et que le résultat du traitement est moins prévisible. (16.33) »

Aspects juridiques liés au consentement
Le point de vue d'Olivia Sarton, juriste : Questionnement de genre de l’enfant et de l’adolescent : quid du consentement à la transition ?, Village de la Justice, 28 mars 2024
« (...) les propositions adressées en réponse au questionnement de genre (...) affectent l’identité du mineur, la prise en charge de son état de santé mentale, son corps et sa santé physique.
Ces propositions font courir un risque de délaissement voire même d’abandon de la protection juridique de l’enfant sous prétexte de la création d’un « droit à l’autonomie et/ou à l’auto-détermination » de l’enfant.
Un tel droit n’existe pas. Au contraire, le droit repose sur le constat que "l’enfant, en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin d’une protection spéciale et de soins spéciaux, notamment d’une protection juridique appropriée […]" [préambule de la Convention internationale des droits de l'enfant] (...)
La revendication d’une autonomisation de l’enfant lui attribuant la capacité de prendre seul des décisions graves entraîne une fragilisation inquiétante de la protection juridique due à l’enfant. Celui-ci a besoin d’être amené progressivement vers l’autonomie et ce chemin doit respecter son rythme de développement, ainsi que la maturation progressive du cerveau confirmée par les neurosciences (la maturité est atteinte entre 22 et 25 ans en moyenne). En particulier, l’adolescence est qualifiée par les scientifiques comme "une période de vulnérabilité" (...)
Leur postulat [des militants trans-affirmatifs] est l’auto-détermination de l’enfant, comprenant le droit de disposer librement de son corps dès lors que l’enfant serait consentant. Ce postulat est contraire aux règles du Code civil et du Code de la santé publique qui stipulent que les décisions concernant l’enfant, y compris celles relatives à sa santé, sont prises par les parents. L’enfant est progressivement associé aux décisions qui le concernent selon son âge et son degré de maturité, mais il ne décide pas seul pour lui-même. (...)
Le consentement n’est pas, selon la loi, le seul critère de la légitimité d’un acte médical. Selon l’article 16-3 du Code civil, l’atteinte à l’intégrité du corps n’est licite qu’à la double condition d’une nécessité médicale et du consentement de l’intéressé :
"Il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui (…)". (...)
il n’existe pas d’autre cas où des traitements portant atteinte à l’intégrité du corps humain sont donnés à des mineurs sans nécessité médicale. En dehors du cadre de la transidentité, le consentement donné par un mineur à l’ablation d’un de ses membres sans motif médical serait considéré comme non valable et l’équipe médicale poursuivie pour mutilation. [article R4127-41 du Code de la Santé publique] (...)
Le médecin a la responsabilité de refuser les actes, y compris médicaux réclamés par un patient lorsque ces actes constituent une atteinte à l’intégrité physique non justifiée par la nécessité médicale. Le consentement du patient, sa demande même, ne permettent pas au médecin de s’affranchir de la loi qui exige cette nécessité médicale. Le consentement des parents, aujourd’hui requis pour les interventions médicales sur des mineurs dans le cadre des parcours de transition, n’exonère en rien le médecin de sa propre responsabilité, pas plus que le consentement du mineur lui-même. »