Détransition : résultats d’une étude nord-américaine
- Magali Pignard
- 8 oct.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 9 oct.

Basée sur les réponses de près d’un millier de participants, une enquête explore les expériences, les obstacles rencontrés et les attentes des personnes ayant détransitionné.
Rackliff K et al., 2025 :“Providers had no idea what to do with me”: A mixed-methods analysis of detransition/retransition support, care, and information needs among sexual and gender minority individuals, International Journal of Transgender Health
→ Disponible en entier dans ce lien.
Cette enquête transversale a été menée auprès de 957 personnes (âgées de 16 ans et plus) vivant aux États-Unis ou au Canada et ayant déclaré avoir vécu une détransition. Des données qualitatives et quantitatives mixtes ont été collectées et analysées concernant leurs expériences et leurs besoins de soins.
Échantillon non représentatif, constitué par auto-sélection en ligne (participants recrutés via réseaux sociaux, forums, associations).
L’étude invite à réfléchir à la manière dont le système de soins conçoit la transition de genre elle-même : « Le système dominant de soins d’affirmation de genre part en grande partie du principe que l’identité et l’expression de genre sont immuables et que les personnes transgenres ou de genre diversifié ne vivront qu’une seule transition de genre.
Si cela correspond à la réalité de nombreuses personnes TGD, cette présomption peut toutefois créer des environnements de soins où les transitions multiples, la fluidité de genre et les détransitions sont mal comprises, voire stigmatisées. »
Diversité des identités
L’échantillon reflète une grande diversité d’identités de genre et d’orientations sexuelles, avec une présence marquée de personnes se dénommant détransitionneuses. La majorité ne s’identifie pas comme hétérosexuelle, la bisexualité étant l’orientation la plus fréquente (44,8 %).
« Une part importante de l’échantillon (41,2 %) n’affirmait pas actuellement une identité TGD, tandis que d’autres étaient incertains quant à leur identité actuelle. Beaucoup sont passés d’une identité TGD [Transgenres ou de Genre Divers] à une identité lesbienne, gay ou détrans non conforme au genre et, avec le recul, auraient souhaité avoir accès à des praticiens adoptant une approche plus neutre des soins. »
Méfiance envers le système de soins
La méfiance envers les professionnels de santé est très répandue :
- 13,1 % disent éviter « toujours » les professionnels, 
- 44,8 % « parfois ». 
« Une partie de l’évitement des soins peut s’expliquer par une stigmatisation anticipée ou perçue, ou encore par un sentiment de honte ou la peur d’être jugé pour avoir détransitionné. »
Beaucoup rapportent avoir reçu des soins insuffisants ou inadaptés.
« Les soignants n’avaient aucune idée de ce qu’ils pouvaient faire pour moi, bien que j’aie réussi à obtenir des examens de dépistage malgré leur manque de connaissances (...) Les endocrinologues et les chirurgiens […] m’ont renvoyé vers ces espaces médicaux remplis de traumatismes parce qu’ils me considéraient comme trans et ayant besoin de soins trans. »
Type de soins souhaités concernant la détransition
Les participants ont exprimé des besoins de soins à la fois médicaux et psychologiques, mais aussi une forte attente envers des professionnels compétents, bien informés et exempts de jugement.
De nombreux répondants ont souligné la diversité des attentes concernant la forme de soutien médical, « certains demandant des praticiens TGD-affirmatifs et d’autres des praticiens neutres. Parmi les participants qui désiraient des soignants non affirmatifs, certains ont exprimé que leurs précédents thérapeutes avaient été trop empressés à les encourager vers une première transition, ou vers une retransition après une détransition, alors qu’ils n’en avaient exprimé aucun désir. »
Un grand nombre de participants ont insisté sur la nécessité d’un meilleur accès à l’information médicale et scientifique, à la fois pour eux-mêmes et pour leurs praticiens. Ils regrettent l’absence de données accessibles et fiables sur la détransition, sur les conséquences médicales et sur les traitements hormonaux à long terme.
« Par exemple, un participant a déclaré vouloir accéder à “des informations et statistiques exactes et faciles à trouver sur la détransition” (P522), tandis que d’autres recommandaient “des recherches médicales ou universitaires sur la détransition auxquelles mes praticiens pourraient avoir accès” (P465). »
Un grand nombre ont exprimé le souhait de bénéficier d’un accompagnement professionnel en santé mentale, adapté à la détransition.
« Un accompagnement pour le deuil d’une vie que je pensais devoir me rendre heureux » (P700).« Une thérapie spécialisée dans la détransition et l’image corporelle » (P390).
Soutien social et stigmatisation
Le besoin de reconnaissance de la part des communautés trans et LGBT est fort, mais souvent déçu.
« Du soutien au sein de la communauté trans (je me suis senti quelque peu abandonné, et bien que je m’identifie encore sous le parapluie trans, je ne partage pas mon histoire d’arrêt de transition car il existe toujours de la stigmatisation et du jugement) » (P015).
La stigmatisation et la récupération politique de la détransition sont également des sources de souffrance :
« Une meilleure compréhension générale de la société, des espaces LGBT, des soignants » (P269).« Moins de stigmatisation sociale (…) » (P390).« Plus de compréhension et ne pas nous utiliser comme un “argument”. (…) Nous sommes dans une situation horrible, et il est presque plus douloureux pour moi de détransitionner que de souffrir avec une identité qui, comme tout le monde le disait, n’a pas résolu mes problèmes » (P639).




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