top of page
logo transidentite mineurs

Transition de genre : une recommandation similaire entre la HAS et un rapport militant

Dernière mise à jour : il y a 5 jours

En décembre 2024, Le Figaro révélait le projet de recommandation de la Haute Autorité de Santé (HAS) Parcours de transition des personnes trans, alors à l'étape de relecture. J’en avais analysé le contenu dans ce post. À ce jour, la version finale n'a pas encore été publiée.

Une préconisation inédite : le retrait de l’autorité parentale

Parmi les points les plus sensibles figure cette recommandation d’experts (p. 12) :

« En cas d’échec de la médiation, il doit pouvoir être envisagé un signalement pouvant aller jusqu’à une délégation partielle d’autorité parentale, voire dans une situation extrême une déchéance de l’autorité parentale ou une émancipation, en cas de mise en danger par non-respect de son identité de genre. »

Une formulation semblable à celle d’un rapport militant

Cette recommandation est très proche d'une des revendications du rapport Only Adults? Good Practices in Legal Gender Recognition for Youth, publié en 2019 par l’association IGLYO (fédération européenne d’associations LGBTQI+ de jeunesse), le cabinet Dentons et la Thomson Reuters Foundation :

Rapport IGLYO Dentons transidentité mineurs dysphorie de genre transition
« Les États doivent protéger le développement physique, mental, moral, social, culturel et spirituel des enfants. Par exemple, ils devraient intervenir contre les parents qui entravent le libre développement de l'identité d’un jeune trans en refusant de donner l’autorisation parentale lorsque celle-ci est requise. » (p. 14)

Note

La position d'IGLYO s’appuie sur un commentaire général (§16) du Comité des droits de l'enfant de l'ONU relatif à l'article 6.2. de la Convention internationale des droits de l’enfant. Le rapport en déduit une obligation pour l’État d’intervenir contre les parents qui refuseraient de valider la transition (sociale) de genre de leur enfant.

Mais cette interprétation, non contraignante et sans fondement jurisprudentiel clair, relève d’une approche militante du droit international, qui assimile tout désaccord parental à une mise en danger.


On pourrait objecter qu’il est logique de retirer l’autorité parentale à un parent rejetant l’identité de genre de son enfant, comme on le ferait face à un parent rejetant son homosexualité. Mais cette analogie est trompeuse.

  • Dans le premier cas, il s’agit d’un rejet de ce que l’enfant est, c’est nier une orientation stable, sans conséquence médicale.

  • Dans le second, le parent peut parfaitement aimer, soutenir et écouter son enfant tout en étant réservé sur une transition sociale : des études (Steensma 2013, Olson 2022) ont mis en évidence une association entre transition sociale précoce et persistance de l'identité trans, avec une forte proportion de jeunes poursuivant ensuite vers une médicalisation (bloqueurs de puberté puis hormones sexuelles croisées à vie). Ces traitements aux bénéfices incertains (voir également la liste des principales revues systématiques) sont prescrits à un âge où l’identité de genre peut encore évoluer, tout du moins en l'absence d'intervention (Cass Review 2024 16.10, Bachmann 2024, Rawee 2024, Sapir 2024). Il ne s’agit donc pas d’un rejet, mais d'un désaccord portant sur une éventuelle décision médicale lourde de conséquences comme : perte de fertilité, dysfonctions sexuelles ou effets encore inconnus lorsqu'ils sont prescrits dès l'adolescence (Cass Review, 2024 90). Assimiler ce devoir de prudence parentale à une mise en danger automatique, comme le fait implicitement la HAS, revient à judiciariser le désaccord éducatif et à invalider tout questionnement.

Que contient donc ce rapport ? (Only Adults? )

Ce rapport se présente comme une étude comparative de huit pays européens sur les législations de reconnaissance de genre chez les mineurs, sur la base de l’autodétermination, sans contrainte d’âge ni exigence médicale. Il conteste explicitement le rôle protecteur des parents :

« L’exigence du consentement parental peut être restrictive et problématique pour les mineurs. » (p. 16)

Mais surtout, Only Adults? se donne pour objectif de servir de manuel de lobbying destiné aux ONG transactivistes. Le mot lobby/lobbying/lobbied apparaît 11 fois dans le texte.

« Ce rapport est destiné à être utilisé par IGLYO et ses membres qui mènent des campagnes et des actions de lobbying pour une meilleure législation sur la reconnaissance du genre, en particulier pour les mineurs, dans les pays du Conseil de l’Europe. Il sera également utilisé par IGLYO et ses partenaires pour faire du lobbying et défendre la reconnaissance du genre pour les mineurs auprès des institutions européennes. » (p. 21)

Il fournit 11 recommandations de stratégie politique et médiatique (pp. 18–21), parmi lesquelles :

« Ciblez les jeunes politiciens

Les militants ont trouvé particulièrement utile de rallier à leur cause les branches des partis politiques dédiées aux jeunes, car les branches principales des partis politiques sont souvent désireuses d'écouter et de prendre au sérieux les avis de leurs homologues plus jeunes. (...)


Dé-médicalisez la campagne

(...) séparer le processus de reconnaissance légale du genre (...) avec les traitements médicaux (…) à travers des campagnes éducatives, afin que la reconnaissance légale du genre puisse être perçue par le public comme distincte des traitements d’affirmation de genre. (...)


Devancez l'ordre du jour du gouvernement (...)

Devancer le gouvernement et publier une proposition législative progressive avant que le gouvernement n'ait eu le temps de développer la sienne. Cela leur donnera une capacité bien plus grande à façonner l'agenda du gouvernement et la proposition finale. (...)


Utilisez les droits de l'homme comme argument de campagne 

(…) les arguments en faveur des droits de l'homme ont été déterminants dans le succès de plusieurs campagnes pour des lois de reconnaissance du genre plus progressistes. (...)


Liez votre campagne à une réforme plus populaire

En Irlande, au Danemark et en Norvège, les modifications de la loi sur la reconnaissance légale du genre ont été adoptées en même temps que d'autres réformes plus populaires telles que la législation sur l'égalité du mariage. Cela a permis un voile de protection, en particulier en Irlande, où le mariage pour tous a été fortement soutenue, mais l'identité de genre a été plus difficile à gagner le soutien du public.


Évitez une exposition excessive à la presse 

(...) En Irlande, les activistes ont fait directement pression sur des politiciens et ont essayé de limiter au maximum la couverture médiatique afin d'éviter ce problème.

De même, en Norvège, les militants ont tissé des liens étroits avec de jeunes politiciens, qui ont ensuite présenté aux membres les plus anciens de leur parti les changements nécessaires. Cette technique s'est avérée efficace pour persuader les politiciens plus âgés, car les changements étaient suggérés par leur propre parti plutôt que par une organisation externe. Cette technique a également été observée au Danemark.


Carpe diem

Il est très important pour les militant·es d’ONG de saisir le moment opportun lorsqu’ils promeuvent la reconnaissance légale du genre. Les activistes doivent capitaliser rapidement sur un élan politique. (...)


  1. Se méfier des compromis »

Pourquoi la HAS intègre-t-elle ce type de recommandation ?

Une hypothèse sérieuse tient à la composition du groupe de travail qui a élaboré le projet de recommandation.

Bien que l'HAS ait initialement refusé de rendre publics les noms des membres de son groupe de travail, ceux-ci peuvent néanmoins être retrouvés via le site des déclarations publiques d’intérêt. La liste a par ailleurs été révélée dans un article du Figaro (26 juin 2023).


Une composition militante et homogène

📋J'ai créé un tableau en ligne qui regroupe les 30 membres identifiés de ce groupe de travail. Parmi eux :

  • 21 ont publiquement exprimé leur adhésion à une approche trans-affirmative, souvent dans une perspective militante.

  • Les 9 autres ne se sont exprimés ni en faveur de cette approche, ni en faveur d’une approche fondée sur la prudence, telle que celle portée par le Royaume-Uni (Cass Review 2024) ou la société européenne de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (ESCAP 2024).


Un fort ancrage associatif militant

Au moins 10 membres sont affiliés à des associations trans militantes, connues pour défendre les mêmes revendications que celles promues par l’ONG IGLYO (notamment l’autodétermination de genre des mineurs et la dépathologisation du parcours) :

  • Trans Santé France (4 membres)

  • Réseau Santé Trans (2 membres)

  • Acceptess-T (2 membres)

  • MARSHA, OUTrans, Trajectoires Jeunes Trans, Espace Santé Trans, TransParents (1 membre chacun)


Certains membres occupent des postes de direction dans ces structures (co-présidence, coordination, trésorerie), ce qui témoigne d’un engagement militant structuré et influent.


Des prises de position souvent virulentes

Dans plusieurs cas, l’expression publique de certains membres est virulente, voire disqualifiante à l’égard des approches prudentes. Tribunes, interviews, interventions universitaires ou sur les réseaux sociaux témoignent d’un militantisme actif en faveur de l’élargissement de l’accès aux traitements médicaux pour les mineurs, au mépris parfois du débat contradictoire.


Des conflits d’intérêts potentiels

Plusieurs membres présentent des liens d’intérêts non négligeables :

  • partenariats avec l’industrie,

  • publications cofinancées,

  • engagements associatifs non déclarés.

    Ces éléments renforcent les doutes quant à l’impartialité du processus.


Légitimité associative, mais absence de diversité des approches

La participation d’associations communautaires à un groupe de travail est en soi légitime : elles apportent une connaissance précieuse des besoins du terrain. Mais ce qui interroge ici, c’est l’absence totale de diversité de sensibilité parmi les structures représentées : toutes adoptent une lecture exclusivement trans-affirmative, en rupture avec le pluralisme qui devrait caractériser des recommandations d’intérêt public. Ce monopole associatif empêche tout débat contradictoire, et contribue à faire pencher la balance vers des recommandations militantes.


Un « accord d’experts » sans contradiction

Cette recommandation de retirer éventuellement l'autorité parentale s’appuie sur un « accord d’experts », c’est-à-dire en l’absence de données probantes solides. Mais cet accord reflète une domination écrasante d’un courant trans-affirmatif au sein du groupe de travail : aucune voix identifiable ne défend une approche prudente ou un encadrement plus rigoureux des transitions médicales chez les plus de 16 ans Cette absence de pluralisme vide le consensus de sa valeur et empêche tout débat contradictoire.


En résumé

Le projet de recommandation de la HAS reprend presque mot pour mot des propositions issues d’un document de lobbying militant. L’absence de diversité de points de vue au sein du groupe de travail soulève de sérieuses questions sur la neutralité, le pluralisme et la rigueur scientifique de la démarche.


Dans ce contexte, il est légitime de s’interroger : comment une instance publique en est-elle venue à intégrer directement des revendications militantes dans un texte censé encadrer la pratique médicale, y compris en matière aussi sensible que l’autorité parentale ?


Enfin, il est regrettable que la HAS n’ait pas suivi l’exemple du Royaume-Uni, qui a récemment revu sa politique à la lumière d’une expertise indépendante (Cass Review, 2024, qui se base sur une évaluation complète des preuves). Ce revirement rappelle une évidence : les recommandations cliniques doivent reposer sur des données solides, pas sur des dynamiques militantes.

Comments


bottom of page