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Santé mentale et transidentité : limites du modèle du stress minoritaire

Dernière mise à jour : 1 juin

Peut-on expliquer les problèmes de santé mentale des jeunes s'identifiant trans uniquement par la transphobie ? En explorant les effets des réseaux sociaux, des vulnérabilités préexistantes et des récits victimaires, ce post remet en question un modèle devenu dominant (source : City Journal, mars 2024).

Des récits alarmants peuvent augmenter la perception de rejet, et augmenter l'anxiété. Transidentité, stress minoritaire

Les études qualitatives consacrées aux raisons de la détransition ou des regrets soulignent fréquemment que la dysphorie de genre et le désir de transition peuvent être liés à des troubles psychologiques ou à des vulnérabilités antérieures (Exposito-Campos et al. 2024).

 

Ce constat se retrouve également dans de nombreux témoignages personnels, comme ceux rapportés par le New York Times (2 février 2024, traduction disponible en français).


Pourquoi ces problèmes de santé mentale sont-ils passés inaperçus ?

Une explication possible réside dans l’influence du modèle dit du « stress minoritaire », largement adopté dans les milieux médicaux et associatifs militants.

Selon ce modèle :

La prévalence élevée de troubles psychologiques chez les personnes s’identifiant trans (anxiété, dépression, conduites suicidaires, troubles alimentaires, etc.) serait causée par « des taux alarmants de discrimination, de violence et de rejet liés à leur identité de genre ou à leur expression » (Hendricks & Testa, 2012).

Ce modèle exclut donc la possibilité que des difficultés psychologiques préexistantes puissent jouer un rôle dans l’identification transgenre.

 

Un modèle repris dans les « standards de soins » internationaux

Le modèle du stress minoritaire est d’ailleurs intégré dans les Standards of Care de la WPATH (version 8), où il est affirmé que :

« Les formes intersectionnelles de discrimination, la marginalisation sociale et les crimes haineux à leur encontre engendrent un stress chez les minorités. Ce stress est associé à des disparités en matière de santé mentale, illustrées par des taux plus élevés de dépression, de suicide et d'automutilations non suicidaires que chez les populations cisgenres » (introduction).

 

⚠️ Mais ce modèle est contesté pour diverses raisons :

L’acceptation sociale ne suffit pas à expliquer l’état de santé mentale

Si les sociétés occidentales comptent de plus en plus de jeunes se déclarant trans, c’est, selon les tenants de ce modèle, grâce à un climat social plus accueillant. Le raisonnement est simple : plus l’acceptation est grande, moins les personnes trans devraient souffrir psychologiquement.

Or, ce n'est pas ce que l'on constate.

  • le Cass Review (8.26) mentionne une « augmentation des profils complexes » ;

  • une étude finlandaise (Kaltiala et al., 2023) va dans le même sens : les adolescents  en admis aux services de genre entre 2016 et 2019 avaient des « besoins en santé mentale » plus importants que ceux suivis dans les années 1996-2000, en tenant compte de l’âge et du sexe ;

 

Ces données ne nient pas l’impact que peuvent avoir le rejet ou la stigmatisation, mais elles montrent que cela ne suffit pas à expliquer la situation. Il faut aussi regarder d’autres facteurs, comme des fragilités personnelles ou des phénomènes qui touchent l’ensemble des jeunes aujourd’hui.

 

L’augmentation des problèmes de santé mentale concerne tous les jeunes

Depuis une quinzaine d’années, les problèmes de santé mentale augmentent nettement chez les adolescents, en particulier chez les filles (ex : enquête EnClass 2022). On observe une hausse de l’anxiété, de la dépression, des automutilations, de l’anorexie, des troubles dysmorphiques, ainsi que de certains troubles neurologiques fonctionnels (Cass Review, 7.24 à 7.30). Cette détérioration de la santé mentale est généralement attribuée (de manière spéculative) à divers facteurs contemporains : usage intensif des réseaux sociaux, conséquences de la crise sanitaire, anxiété liée à l’avenir (climat, instabilité sociale), hypersexualisation précoce, exposition à la pornographie, perte de repères éducatifs ou culturels, etc.

 

Or, les jeunes qui s’identifient trans grandissent dans ce même contexte sociétal. Ils sont exposés aux mêmes conditions de vie, aux mêmes influences sociales, culturelles et numériques que leurs pairs. Pourtant, dans leur cas, l’interprétation dominante change radicalement : si l’on suit le modèle du stress minoritaire, leurs troubles sont exclusivement attribués à des expériences de stigmatisation ou de rejet liés à l’identité de genre, comme si les autres facteurs n’étaient plus pertinents.

 

Prenons un exemple typique : une jeune fille de 13 ans en grande détresse, mal à l’aise avec les transformations de son corps et l’arrivée des premières règles. Elle passe de nombreuses heures sur les réseaux sociaux, où elle est exposée à des contenus valorisant des standards de beauté inaccessibles, à de la pornographie, ainsi qu’à des vidéos d’auto-diagnostic psychologique ou de transition de genre. Elle se sent rejetée au collège. Sa famille traverse des difficultés relationnelles, ce qui accentue encore son impression de solitude. Elle développe de l’anxiété, des troubles du sommeil, des conduites d’évitement scolaire et des épisodes d’anorexie. Aucun signe de dysphorie de genre n’a été observé dans son enfance.

Dans un premier temps, on cherchera à comprendre ses difficultés à partir de facteurs sociaux, familiaux ou psychologiques. Mais si cette même adolescente déclare soudainement une identité trans, les causes supposées de sa souffrance changent : les mêmes problèmes sont alors aussitôt re-interprétés, selon le modèle du stress minoritaire, comme la conséquence directe d’un rejet lié à son identité genre.

Autrement dit, les mêmes signes de mal-être peuvent être lus de deux manières opposées, selon qu’elle se déclare ou non trans.

 

Des problèmes de santé mentale souvent antérieurs à l’identité trans déclarée

Ce changement d’interprétation soulève une autre question : que faire des cas où les troubles psychologiques précèdent la déclaration d’une identité trans ? Le modèle de stress minoritaire ne parvient pas à expliquer pourquoi dans de nombreux cas, ces difficultés (anxiété, dépression, troubles obsessionnels ou troubles du comportement alimentaire) apparaissent avant la déclaration d’une identité trans (Kaltiala et al. 2015, Becerra-Culqui et al. 2018).

 

En effet, si l’identité trans est déclarée après l’apparition des problèmes de santé mentale, il devient difficile de les attribuer à une discrimination liée à cette identité : avant cette déclaration, il ne pouvait y avoir de rejet ou de stigmatisation en lien avec une identité encore inconnue de l’entourage*. Cela remet donc en cause l’idée que le mal-être psychologique serait uniquement causé par la transphobie.

 

À noter que Turban et al. (2023), en exploitant les données de la U.S. Transgender Survey (2015), ont tenté de montrer que les jeunes déclarent leur identité trans un grand nombre d’années après en avoir eu conscience. Cette analyse a fait l’objet d’une critique argumentée par Sapir, Littman et Biggs dans une lettre à l’éditeur (2023).


Limites méthodologiques et biais perceptifs dans les études soutenant le modèle du stress minoritaire

Des études ne permettant pas de démontrer une causalité

Les études invoquées pour affirmer que la transphobie serait la cause principale des troubles psychologiques chez les personnes s’identifiant comme trans présentent des faiblesses méthodologiques majeures. Par exemple, une revue systématique de Pellicane et Ciesla (2022), qui a inclus 85 études, montre que la quasi-totalité de ces travaux repose sur des données transversales (recueillies à un moment donné, sans suivi dans le temps) et sur des auto-questionnaires. Ces études mettent en évidence une association entre troubles psychologiques (anxiété, dépression, idées suicidaires, automutilation) et stigmatisation perçue (discrimination, rejet, transphobie intériorisée), mais elles ne permettent pas d’établir un lien de causalité.

Rien ne prouve donc que la stigmatisation perçue soit à l’origine des troubles psychologiques : il est tout aussi plausible qu’un mal-être préexistant, comme un tempérament anxieux, une instabilité émotionnelle, une anxiété sociale, rende une personne plus susceptible d’interpréter son environnement comme hostile. C’est dans ce contexte que certains chercheurs invoquent le concept de « sensibilité au rejet » (Rejection Sensitivity).

La sensibilité au rejet : un facteur souvent oublié

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En résumé

Les problèmes de santé mentale observés peuvent être consécutifs au stress lié à une minorité, mais cela n’explique pas tout.

Il est aussi possible que des troubles psychologiques préexistants contribuent à l’émergence d’une détresse liée au genre, ce qui pourrait, en retour, expliquer l’association statistique entre transidentité et troubles mentaux.


Comme le souligne le Cass Review (8.42) : « L'association est probablement complexe et ces éléments interagissent mutuellement dans les deux sens. Chez certains individus, des problèmes de santé mentale antérieurs (comme l'anxiété, la dépression, le TOC ou les troubles alimentaires) peuvent entraîner un questionnement de genre. (...) Pour d'autres, la détresse liée au genre peut être la préoccupation principale, pouvant entraîner des problèmes de santé mentale ultérieurs. Par ailleurs, les problèmes de santé mentale et la détresse liée au genre peuvent être associés et influencés par d'autres facteurs comme des troubles du neurodéveloppement et des traumatismes ». 

C'est en partie pour ces raisons que cet Examen recommande une approche qui considère le jeune «  de manière globale et pas uniquement sous l'angle de la détresse liée au genre (…) :

  • Dépistage des troubles neurodéveloppementaux, y compris les troubles du spectre de l'autisme, et une évaluation de la santé mentale.

  • Des approches thérapeutiques psychologiques et psychopharmacologiques standard fondées sur des preuves (…) pour soutenir la gestion de la détresse associée à l'incongruence de genre et aux troubles associés. (…) » (page de présentation du rapport final du Cass Review)


*Il est vrai qu’une fille perçue comme « masculine » peut être rejetée avant même de se dire trans, ce qui peut contribuer à son mal-être. Mais ce rejet relève d’une pression normative sur les rôles de genre, pas d’une transphobie au sens strict, et ne suffit pas à valider le modèle du stress minoritaire appliqué à l’identité trans.

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