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États-Unis : le « rapport HHS » sur la dysphorie de genre chez les mineurs

Dernière mise à jour : il y a 5 jours

Fondé sur une revue des preuves, ce rapport gouvernemental américain alerte sur la faiblesse des données justifiant les traitements médicaux chez les mineurs avec dysphorie de genre.

Le rapport HHS, dysphorie de genre, transition mineurs transidentité

Depuis plusieurs années, le recours aux traitements hormonaux et chirurgicaux chez les mineurs en questionnement de genre fait l’objet d’un vif débat scientifique et éthique. Un nouveau rapport gouvernemental américain vient renforcer les inquiétudes exprimées par plusieurs pays européens.


Publié le 1er mai 2025 par le ministère américain de la Santé (HHS), ce document de plus de 400 pages-Treatment for Pediatric Gender Dysphoria: Review of Evidence and Best Practices- constitue à ce jour l’analyse gouvernementale la plus complète jamais réalisée sur les transitions médicales chez les mineurs.

« ll ne s’agit pas d’une recommandation clinique ni d’un document de politique publique. Il vise plutôt à fournir les informations les plus précises et actualisées disponibles concernant l’état des preuves. » (p. 1).

Pourquoi ce rapport ? Par qui a-t-il été commandé ?

Le rapport a été commandé par un décret présidentiel signé par Donald Trump en janvier 2025. Il demandait au ministère de la santé de réexaminer les meilleures pratiques concernant les enfants présentant une dysphorie de genre.


Comment est structuré le rapport HHS ?

Le rapport comporte un Executive Summary (pp. 12 à 16), et s’organise en cinq grandes parties :

  1. Contexte historique

  2. Revue systématique des preuves

  3. Analyse des pratiques cliniques

  4. Éthique médicale

  5. Rôle de la psychothérapie


Ce que le rapport met en évidence :

Sur la certitude des preuves des traitements endocriniens

Le rapport du ministère américain de la Santé (HHS, 2025) consacre sa Partie II (pages 51 à 156) à une évaluation méthodologiquement rigoureuse des connaissances scientifiques disponibles sur les interventions médicales proposées aux mineurs présentant une dysphorie de genre.


S’inscrivant dans le cadre de la médecine fondée sur les données probantes (evidence-based medicine), cette section s’appuie sur une synthèse des principales revues systématiques internationales, y compris celles utilisées par les autorités sanitaires de pays comme la Suède, la Finlande ou le Royaume-Uni (ces revues sont regroupées et détaillées dans ce post). Cette approche, qualifiée de « umbrella review », permet de dégager une vue d’ensemble du niveau de certitude associé aux bénéfices et aux risques documentés dans la littérature.

« L’umbrella review a conclu que le niveau global de confiance dans les données relatives aux effets des interventions, sur les résultats psychologiques, la qualité de vie, le regret ou la santé à long terme, est très faible. Cela signifie que les effets bénéfiques rapportés dans la littérature risquent de différer de manière substantielle des effets réels. » (Résumé exécutif p. 13)


Le rapport souligne que les données disponibles sur les effets indésirables sont également limitées, mais que cette rareté doit être interprétée avec prudence. L’insuffisance de détection des risques s’expliquerait par plusieurs facteurs :

  • l’adoption relativement récente du modèle médical/chirurgical à grande échelle ;

  • l’absence fréquente de suivi longitudinal systématique dans les études cliniques ;

  • un biais de publication, favorisant les résultats positifs.

« Les preuves concernant les effets délétères de la transition médicale pédiatrique sont également limitées dans les revues systématiques, mais cette constatation doit être interprétée avec prudence. » (p. 13)


Le rapport détaille également, dans plusieurs sections (notamment aux pages 83 à 90 et 240 à 258), les risques associés à ces interventions médicales, en s’appuyant à la fois sur les données issues des revues systématiques, les systèmes de pharmacovigilance (comme le FAERS), et les connaissances physiopathologiques établies.

  • Concernant les bloqueurs de puberté, les risques identifiés incluent une baisse de la densité minérale osseuse, des effets sur le développement neurocognitif, et une perturbation durable de la maturation reproductive (hypogonadisme). Le rapport rappelle que leur utilisation dans ce contexte est hors autorisation de mise sur le marché (hors AMM), et qu’ils conduisent presque systématiquement à l’initiation d’une hormonothérapie ultérieure.

  • Pour les hormones sexuelles croisées, les risques incluent des troubles cardiovasculaires (thrombose, AVC), des dysrégulations métaboliques (diabète, dyslipidémie), des effets psychiatriques (dépression, agressivité, troubles de l’humeur), ainsi qu’une possible altération des fonctions sexuelles et reproductives, souvent irréversibles.


Le système de pharmacovigilance américain (FAERS) recense un taux élevé d’effets indésirables graves, en particulier chez les adolescentes sous testostérone. Le rapport signale notamment deux décès, plusieurs hospitalisations et des cas d’idées suicidaires.


Ces constats renforcent l’alerte méthodologique du rapport : l’absence de données solides ne doit pas être interprétée comme une preuve d’innocuité, et le principe de précaution devrait guider la pratique clinique.

« Les revues systématiques sont généralement plus sensibles à la détection des bénéfices qu’à celle des effets délétères. L’absence de données sur les risques dans les études publiées ne peut être interprétée comme une preuve que ces risques n’existent pas. » (p. 14)


Sur la WPATH (World Professional Association for Transgender Health)

Le rapport consacre sa partie III (pages 157 à 178) à une analyse critique des lignes directrices cliniques qui encadrent la prise en charge médicale de la dysphorie de genre chez les mineurs, en particulier les Standards of Care, version 8 (SOC-8) publiés par la WPATH. Ces recommandations sont parmi les plus influentes à l’échelle internationale, notamment en France.

Le rapport s’appuie sur une revue systématique indépendante (Taylor et al., 2024), conduite pour le Cass Review britannique, qui a évalué 21 lignes directrices internationales à l’aide de l’outil AGREE II. Cette revue a conclu que les recommandations de la WPATH et de l’Endocrine Society « manquent de rigueur dans leur élaboration et de transparence » et ne sont pas recommandables en pratique clinique.

Au-delà de ces lacunes méthodologiques, le rapport HHS souligne plusieurs manquements graves dans l’élaboration du SOC-8 :

  • la suppression délibérée de revues systématiques commandées à Johns Hopkins University mais jugées défavorables à l’approche affirmative (voir l’analyse complète sur la suppression des revues systématiques dans ce post) ;

  • des violations des règles de gestion des conflits d’intérêts, les auteurs n’ayant pas déclaré ou tenu compte de liens étroits avec des pratiques commerciales ou militantes ;

  • la suppression, sous pression politique, des âges minimaux initialement prévus pour les traitements hormonaux et chirurgicaux (à l’exception de la phalloplastie). (relayé par le New-York Times, 25 juin 2024).


Le rapport critique un modèle affirmatif dans lequel les évaluations psychiatriques sont parfois réduites à une seule séance de deux heures, les décisions étant principalement guidées par les « objectifs d’incarnation » exprimés par l’adolescent.


Enfin, le rapport souligne que le consensus professionnel affiché en faveur des transitions médicales précoces est en réalité porté par un nombre restreint de comités spécialisés proches de la WPATH, et ne reflète pas nécessairement l’opinion de l’ensemble des professionnels de santé. Il existe des signes documentés de pression institutionnelle visant à étouffer les voix dissidentes, y compris celles des soignants lanceurs d’alerte ou des personnes ayant détransitionné.


Sur les considérations éthiques

Le rapport consacre sa Partie IV (pages 213 à 234) aux fondements éthiques des traitements médicaux de transition chez les mineurs. Il y développe une analyse approfondie des quatre principes majeurs de la bioéthique (autonomie, bienfaisance, non-malfaisance, justice), et conclut que la pratique actuelle soulève de sérieux problèmes de conformité éthique, en particulier dans le contexte pédiatrique.


1. Autonomie : un principe mal appliqué (pp. 214–216)

Le rapport rappelle que le droit du patient à refuser un traitement médical est établi moralement et juridiquement, mais qu’il n’implique pas le droit symétrique d’exiger un traitement que le médecin juge non bénéfique.

« Le respect de l’autonomie du patient ne justifie pas de soumettre des patients à des interventions qui présentent des risques médicaux inutiles, ou qui sont par ailleurs non bénéfiques, même lorsque les patients les préfèrent, les demandent ou les exigent. » (p. 215)


2. Rapport bénéfices/risques : le devoir de précaution (pp. 217–222)

Le HHS souligne que les bénéfices des traitements sont très incertains, tandis que certains risques sont probables, en particulier l’infertilité, la perte osseuse, les effets cognitifs ou métaboliques.

« Le profil bénéfice/risque défavorable distingue la transition médicale pédiatrique de nombreux autres usages hors AMM de médicaments ou dispositifs médicaux. » (p. 222)


3. Regret : un critère non pertinent (pp. 231–233)

Le rapport affirme que ni le regret exprimé après-coup, ni au contraire l’absence de regret, ne permettent à eux seuls de juger qu’une intervention est médicalement justifiée.

« Le regret à lui seul (tout comme la satisfaction à elle seule) n’est pas un indicateur valable permettant de savoir si une intervention est médicalement justifiée. » (p. 232)


Un exemple est donné : un homme pourrait ne pas regretter une opération qu’il aurait néanmoins mal comprise ou à laquelle il n’aurait pas dû être exposé.

« Le fait que cet homme ne regrette pas l’intervention ne signifie pas que sa décision était prudente, ni que le chirurgien était justifié à lui proposer l’intervention. » (p. 233)


4. Recherche : faisabilité éthique contestée (pp. 233–234)

Le rapport observe que certains chercheurs affirment qu’il serait éthiquement impossible de mener des essais cliniques randomisés (RCT) sur les bloqueurs ou les hormones. Il réfute cette position :

« Cette affirmation est infondée, car elle déforme l’état actuel des connaissances scientifiques. » (p. 234)


Le rapport critique aussi l’idée selon laquelle il existerait déjà un consensus médical sur l’efficacité des traitements, ce qui rendrait inutile ou même contraire à l’éthique le fait de mener des études comparatives. Il souligne au contraire que, faute de données solides, on ne peut pas simplement s’en remettre à des convictions ou à des préférences idéologiques : des recherches rigoureuses restent nécessaires pour savoir si ces traitements sont réellement bénéfiques ou non.


Sur la psychothérapie : une alternative sous-explorée et stigmatisée

Le rapport y consacre sa dernière Partie (pp. 238 à 274) 

1. Une approche négligée dans un contexte de crise plus large

Le rapport commence par situer la hausse des demandes de transition médicale dans le contexte d'une crise de santé mentale généralisée chez les adolescents. Il observe que la relation entre cette crise et l’augmentation des cas de dysphorie de genre reste incertaine et controversée sur le plan scientifique.

« La montée de la dysphorie de genre chez les jeunes et la demande correspondante d'interventions médicales se sont produites dans le contexte d'une crise de santé mentale plus large touchant les adolescents. La relation entre ces deux phénomènes reste l'objet d'une controverse scientifique. » (Résumé exécutif, p. 16)


2. Aucune preuve que la transition médicale réduise le suicide

Le rapport insiste sur un point central : les idées suicidaires sont fortement corrélées à d'autres troubles psychiatriques fréquents chez les jeunes avec dysphorie de genre (dépression, anxiété, TCA, autisme). Il n’existe aucun lien démontré entre la dysphorie elle-même et le suicide, ni de preuve que la transition médicale réduise le taux de suicide.

« Aucune association indépendante entre la dysphorie de genre et la suicidabilité n'a été trouvée, et il n'existe aucune preuve que la transition médicale pédiatrique réduise l'incidence du suicide, qui reste, heureusement, très faible. » (Résumé exécutif ; confirmé p. 252–254 du rapport)


3. La psychothérapie, sous-étudiée à cause d’une confusion avec la « thérapie de conversion »

Le rapport note une pénurie de recherches sur les interventions psychothérapeutiques pour la dysphorie de genre. Cela s’explique en partie par la stigmatisation de toute approche non affirmative, souvent assimilée à tort à une « thérapie de conversion ».

« Il existe une pénurie de recherches sur les approches psychothérapeutiques pour gérer la dysphorie de genre chez les enfants et les adolescents. Cela est en partie dû à la caractérisation erronée de telles approches comme étant des "thérapies de conversion". » (Résumé exécutif)


4. Un cadre reconnu pour les comorbidités, mais pas pour la dysphorie en elle-même

Les approches telles que la TCC (thérapie cognitivo-comportementale), la thérapie familiale, la thérapie psychodynamique, ou encore les interventions « transdiagnostiques » sont bien validées pour les troubles psychiatriques co-occurrents — mais peu étudiées directement pour la dysphorie.

« Bien que plusieurs études suggèrent que la psychothérapie pourrait résoudre efficacement la dysphorie de manière non invasive, la qualité des preuves est très faible. (...) Les revues systématiques n’ont trouvé aucune preuve de dommage lié à la psychothérapie dans ce contexte. » (p. 252–253)


5. Un besoin urgent de développement clinique et de recherche

Enfin, le rapport appelle à créer des parcours cliniques explicites pour les approches non médicales et à définir une stratégie de recherche rigoureuse pour en évaluer l’efficacité :

« Il faut développer un parcours clinique explicite pour les interventions non médicales, ainsi qu'une stratégie de recherche pour évaluer leur efficacité. » (p. 251 ; Cass Review 2024, 11.43)

Limites du rapport HHS

Bien que le rapport du HHS (2025) adopte une approche rigoureuse et méthodique, plusieurs limites peuvent être signalées.


  1. Le rapport fait le choix délibéré de remplacer les termes habituels comme « soins d'affirmation de genre » par « transition médicale pédiatrique », considérant que le vocabulaire utilisé dans la médecine transgenre est souvent idéologique et scientifiquement infondé. Ce rejet de certains termes (« enfant trans », « sexe assigné à la naissance », etc.) est cohérent avec une volonté de neutralité épistémologique, mais il peut aussi être perçu comme un choix éditorial contestable, en rupture avec le langage usuel des professionnels de santé. Le chapitre 2 du rapport décrit ce glissement sémantique comme un enjeu scientifique, mais aussi éthique et politique. « Dans ce contexte, le désir compréhensible d’éviter un langage excluant ou pathologisant, combiné à des convictions profondément ancrées dans le domaine, a conduit à l’adoption d’un vocabulaire et d’un mode de communication qui ne reposent pas sur des bases scientifiques, qui présupposent des réponses à des controverses éthiques, et qui sont, à d’autres égards, trompeurs. » ( p. 29)


  2. Les auteurs du rapport ne sont pas nommés, ce qui a suscité des critiques, notamment dans la presse américaine. Selon Jesse Singal (The Dispatch, 1er mai 2025), leurs noms ont été volontairement tenus confidentiels « afin de contribuer à préserver l’intégrité de ce processus », comme l’a déclaré un porte-parole du HHS. Plusieurs observateurs estiment néanmoins que cette absence de transparence peut affaiblir la crédibilité du rapport aux yeux du public ou des professionnels souhaitant évaluer les éventuels biais.


  1. Le contexte politique de sa commande – un décret présidentiel de Donald Trump intitulé Protecting Children from Chemical and Surgical Mutilation, a contribué à nourrir la méfiance de nombreux acteurs du domaine médical et militant. Néanmoins, comme le note The Economist (5 mai 2025) :

« ce que le groupe mandaté par le ministère a produit est, contre toute attente, rigoureux ».

Le rapport doit donc être jugé sur le fond de ses analyses et non sur sa seule origine politique.


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