Cass Review : retombées, réactions, critiques
Personnalités
Interview dans le New York Times (13 mai 2024, disponible en français), entretien radio WBUR (10 mai 2024, avec transcription)
« (...) nous devons cesser de voir ces jeunes à travers le prisme de leur sexe et les considérer comme des personnes à part entière, ainsi qu’aborder la gamme beaucoup plus large des défis qu’ils rencontrent (...). Il s’agit vraiment de les aider à s’épanouir, et pas seulement de dire « Comment traiter la question du genre? » de manière isolée (...)
Notre évaluation des études a porté sur des aspects tels que : leur suivi est-il suffisamment long ? Perdent-elles beaucoup de patients au cours de la période de suivi ? Disposent-elles de bons groupes de comparaison ? Toutes ces évaluations sont vraiment de nature objective. Si les études sont faibles, c’est parce qu’elles ont échoué dans un ou plusieurs de ces domaines. (...)
Il y a des jeunes qui bénéficient absolument d’un parcours médical, et nous devons nous assurer que ces jeunes y ont accès – dans le cadre d’un protocole de recherche, parce que nous devons améliorer la recherche – mais sans présumer que c’est le bon parcours pour tout le monde. (...)
Une autre critique consiste à dire que ce domaine est tenu à un niveau plus élevé que les autres, ou qu’il est en quelque sorte exceptionnel. Or il existe d’autres domaines de la médecine, notamment en pédiatrie, où les médecins pratiquent sans disposer de données probantes de haute qualité.
Mais l’université de York, qui est en quelque sorte le berceau de ces examens systématiques, l’une des principales organisations qui les réalisent dans notre pays, a constaté que les données probantes existantes dans ce domaine étaient étonnamment plus faibles que dans d’autres domaines, même en pédiatrie.
Je ne vois pas aucune autre situation où nous donnons des traitements qui changent la vie mais où nous ne comprenons pas suffisamment ce qui arrive à ces jeunes une fois arrivé-es à l’âge adulte. J’ai parlé à de jeunes adultes qui s’épanouissent manifestement – un parcours médical a été la bonne chose à faire pour eux. J’ai également parlé à des jeunes adultes où l’on n’a pas pris la bonne décision, qui ont des regrets, qui ont détransitionné. L’enjeu crucial est d’essayer de trouver la meilleure façon de prédire qui va s’épanouir et qui ne le fera pas.
(...)
je suis respectueusement en désaccord avec [l'AAP] sur le fait qu’ils s’accrochent à une position dont l’obsolescence est maintenant démontrée par de multiples revues systématiques. Cela ne serait pas un problème grave si les gens disaient : « Il existe un consensus clinique et nous n’avons pas de certitudes ». Mais ce que font certaines organisations, c’est insister pour affirmer que les preuves existantes sont bonnes. »
Réactions de pays
NHS écosse, Scotland's under-18s gender clinic pauses puberty blockers, BBC, 18 avril 2024
« À la suite de l'actualisation de la politique de dysphorie de genre du NHS England, la seule clinique d'identité de genre d'Écosse destinée aux moins de 18 ans a suspendu la prescription de bloqueurs de puberté aux enfants. Elle a également déclaré que les nouveaux patients âgés de 16 ou 17 ans ne recevraient plus d'autres traitements hormonaux jusqu'à l'âge de 18 ans. (...) Le Dr Emilia Crighton, directrice de la santé publique du National Health Service Greater Glasgow, a déclaré : « Les résultats de l'examen Cass sont importants et nous avons examiné l'impact sur nos parcours cliniques. La prochaine étape consiste à travailler avec le gouvernement écossais et les partenaires universitaires pour générer des preuves qui nous permettent de prodiguer des soins sûrs à nos patients. »
Réactions de sociétés/organisations médicales, hors UK
Endocrine Society Statement in Support of Gender-Affirming Care, 8 juin 2024
« Le récent rapport du NHS Angleterre, l'examen Cass, ne contient aucune nouvelle recherche qui contredirait les recommandations formulées dans notre ligne directrice sur les soins d'affirmation de genre en pratique clinique. (...) Nos directives de pratique clinique sont développées en utilisant un processus robuste et rigoureux qui respecte les normes les plus élevées de fiabilité et de transparence telles que définies par l'Institut de médecine (maintenant l'Académie nationale de médecine). (...)
Bien que le paysage scientifique n'ait pas beaucoup changé, la désinformation sur les soins affirmant le genre est politisée (...) . Les adolescents cisgenres, ainsi que leurs parents ou tuteurs, sont considérés compétents pour donner leur consentement à divers traitements médicaux. Les adolescents présentant une incongruence de genre, ainsi que leurs parents et tuteurs, ne doivent pas être discriminés. Les adolescents transgenres et divers en matière de genre, leurs parents et médecins devraient pouvoir déterminer le traitement approprié. Interdire des soins médicaux evidence-based en se basant sur la désinformation prive les parents et les patients de la capacité de prendre des décisions éclairées. Les décisions en matière de traitement devraient être informées par des preuves médicales, et non par la politique. »
Voir ma réaction sur ce communiqué.
Réactions de sociétés/organisations médicales en UK
The Association of Clinical Psychologists UK, ACP-UK Response to the Cass Review, mai 2024
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« ACP-UK reconnaît et convient que l'approche clinique de l'identité de genre doit prendre en compte le stade de développement de l'individu, avec des différences marquées entre ceux qui se présentent pendant l'enfance, l'adolescence et l'âge adulte. (..)
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Il y a eu, et il continue d’y avoir, un discours inutile qui cadre et polarise le débat entre trans-affirmatif et transphobe.
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L'examen Cass conclut qu'une grande partie des preuves citées dans ce domaine ne sont pas fiables et ne peuvent pas être utilisées comme base pour la pratique clinique, en particulier compte tenu de la nature importante et irréversible des interventions médicales et de leurs effets secondaires potentiellement délétères, chez un groupe de patients hautement vulnérables. »
La British Medical Association en conflit avec le Gouvernement actuel (travailliste)
Dans un communiqué du 31 juillet 2024, la BMA (équivalent du conseil de l'ordre des médecins en UK) :
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a annoncé entreprendre une évaluation du Cass Review. Initialement, les 69 membres du conseil d'administration devaient voter une motion visant à « désavouer » le Cass Review. Mais la motion originale a été modifiée lors de la réunion, demandant plutôt à la BMA d'examiner en profondeur les conclusions Cass Review avant de tirer des conclusions sur la manière d'y répondre ;
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a demandé la levée de l'interdiction temporaire de prescription de bloqueurs de puberté par les cliniques privées. Cette interdication temporaire avait été introduite fin mai 2024 par le gouvernement précédent au moyen d'une législation d'urgence, valide jusqu'en septembre 2024. Un groupe de pression, TransActual. avait intenté une action en justice contestant la légalité de ces lois. Mais la Haute Cour a confirmé que cette procédure est légale (voir la décision du 29 juillet 2024). Le ministre de la Santé travailliste, Wes Streeting, a salué la décision du tribunal, ajoutant que les soins de santé des enfants doivent être « fondés sur des preuves ». Le 22 août 2024, le Ministère de la Santé et des Affaires Sociales a renouvelé cette interdiction temporaire, en étendant l'ordonnance à l'Irlande du Nord.
Réactions
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À la suite de l’annonce de la BMA, le NHS England a déclaré : « Le Dr Cass a passé quatre ans à rassembler des preuves pour le rapport le plus complet du genre, et son expertise et ses conseils ont été inestimables pour aider le NHS à créer un service fondamentalement meilleur et plus sûr pour les enfants et les jeunes ». (source : NewStatesman, 8 août 2024)
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L'Academy of Medical Royal Colleges (équivalent de l'Académie de médecine) a réagi à ce communiqué : « Notre point de vue est que tout travail spéculatif supplémentaire [remettant en cause la validité des preuves du Cass Review] risque d'accentuer davantage la polarisation sur cette question, ce qui n'est pas utile, et notre objectif devrait être de mettre en œuvre les recommandations de l'examen Cass ».
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L'Association of Clinical Psychologists UK, ACP-UK a également réagi : « L'ACP-UK s'engage à promouvoir des soins de santé fondés sur des données probantes. Bien que l'on ignore encore beaucoup de choses sur la meilleure façon d'assurer de bons résultats pour ce groupe d'enfants, l'examen Cass représente la meilleure évaluation de l'état actuel des données probantes, et l'ACP-UK continue de soutenir les recommandations de l'étude et leur mise en œuvre ».
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Dans une lettre adressée au président du Conseil britannique de l'association, 1 000 médecins ont exprimé leur « consternation » face aux critiques de la BMA à l'encontre du Cass Review.
Finalement, dans un communiqué du 26 septembre 2024, la BMA annonce qu'elle « conservera une position neutre sur les recommandations du Cass Review pendant qu'un groupe de travail et de finition de la BMA entreprend sa propre évaluation ».
La critique de la BMA concerne la méthodologie des revues systématiques des preuves à partir desquelles le Cass Review a formulé ses recommandations. Ces revues, réalisées par l'Université de York, ont été publiées en avril 2024 par les Archives of Disease in Childhood du British Medical Journal.
Selon Nick Brown, rédacteur en chef des Archives of Diseases in Childhood : « Toutes les revues systématiques ont été soumises à un examen indépendant par des pairs et chacune a été révisée en conséquence. Nous étions et restons entièrement confiants quant à leur véracité. Contrairement aux affirmations contraires, des méthodes rigoureuses ont été respectées à chaque étape. Les critiques de la méthodologie ne tiennent pas la route. La stratégie de recherche unique utilisée par le groupe de York est bien plus efficace que l’approche dispersée préconisée par ceux qui ont encore du mal à accepter les résultats » (soure : BMJ, 2 août 2024).
Pour appuyer sa critique, la BMA cite :
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une « Critique basée sur les preuves » par des médecins/universitaires de la faculté de droits de Yale. Cette critique est débunkée :
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par Democrats for an Informed Approach to Gender (juillet 2024): voir la traduction française
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par Jesse Singal (août 2024)
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par des cliniciens britanniques dans le British Medical Journal (octobre 2024)
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une évaluation critique du rapport Cass par Noone et al., en prépublication.